ARTICLE DU JOURNAL LIBERATION
Bataille sino-chinoise pour Rover
Le géant du secteur automobile Saic fulmine à l'annonce du rachat par Nanjing.
Par Pierre HASKI
lundi 25 juillet 2005 (Liberation - 06:00)
Pékin de notre correspondant
'agonie du constructeur automobile britannique MG Rover tourne à l'imbroglio sino-chinois. A la surprise générale, le cabinet PricewaterhouseCoopers (PWC), chargé de désigner le repreneur des restes de la prestigieuse marque britannique après sa mise en faillite en avril dernier, a choisi la société chinoise Nanjing Automobile plutôt que le géant du secteur en Chine, la société shanghaïenne Saic, associée à l'ancien patron de Ford Europe, Martin Leach. La surprise est de taille car si Nanjing Automobile, basée à Nankin, est le plus ancien constructeur chinois, ayant été fondé en 1947, c'est aujourd'hui une société de second plan, loin derrière les trois mastodontes du secteur automobile public : Saic, partenaire de Volkswagen et General Motors en Chine, FAW qui produit les Toyota chinoises, et Dongfeng Motors, le partenaire de Peugeot, Citroën, et Nissan.
Ambition. Saic faisait d'autant plus figure de favori que la société shanghaïenne a déjà acquis pour près de cent millions d'euros les droits de propriété intellectuelle des principaux modèles de la gamme MG Rover. De surcroît, Saic a commencé à acquérir une dimension internationale en reprenant l'an dernier un constructeur automobile sud-coréen en faillite, Sangyong. A l'opposé, Nanjing Automobile ne peut se targuer que d'un modeste partenariat en difficulté avec Fiat, sa seule réussite étant dans les véhicules utilitaires en coentreprise avec Iveco. La société de Nankin n'a guère d'expérience internationale même si elle a récemment affiché ses ambitions en Russie, comme d'autres constructeurs chinois. Et son offre de reprise du constructeur britannique ne semblait pas convaincante, avec son intention de rapatrier en Chine la fabrication des moteurs pour ne garder en Grande-Bretagne que l'assemblage des véhicules.
Colère. L'annonce de l'attribution de MG Rover au plus petit des deux chinois en lice a provoqué la colère de Saic, selon la presse britannique. Le géant shanghaïen aurait l'intention de s'opposer à cette décision par tous les moyens. Il dispose d'un allié de poids : le syndicat britannique des transports et de l'industrie (TGW), dont le secrétaire général Tony Woodley a déclaré à The Observer que Nanjing Automobile n'avait pas, à ses yeux, «les compétences pour diriger un constructeur automobile en dehors de Chine». Il a appelé les deux sociétés chinoises à s'entendre pour sauver la marque Rover : «La meilleure chose qui puisse arriver pour la Chine, la Grande-Bretagne et l'emploi dans l'industrie britannique, c'est que les deux sociétés travaillent ensemble.»
Quoi qu'il en soit, il semble acquis que, pour la première fois, un constructeur européen passera sous le contrôle de capitaux chinois. Ce phénomène devrait accélérer l'arrivée sur le marché européen de voitures chinoises à bas prix qui viendront concurrencer les voitures européennes mais aussi asiatiques, japonaises et sud-coréennes.